samedi 9 mai 2015

Quand Jean Genet évoque ses origines... et quelques autres "rapprochements".

Dans son ouvrage considéré comme le plus autobiographique, Le journal du voleur, Jean Genet évoque brièvement ses origines  et poursuit par des développements sur son nom. Écoutons-le lire ce texte :


 
Transcription du texte :
« Je suis né à Paris le 19 décembre 1910. Pupille de l'Assistance Publique, il me fut impossible de connaître autre chose de mon état civil. Quand j'eus vingt et un ans, j'obtins un acte de naissance. Ma mère s'appelait Gabrielle Genet. Mon père reste inconnu. J'étais venu au monde au 22 de la rue d'Assas.
— Je saurai donc quelques renseignements sur mon origine, me dis-je, et je me rendis rue d'Assas. Le 22 était occupé par la Maternité. On refusa de me renseigner. Je fus élevé dans le Morvan par des paysans. Quand je rencontre dans la lande — et singulièrement au crépuscule, au retour de ma visite des ruines de Tiffauges où vécut Gilles de Rais — des fleurs de genêt, j'éprouve à leur égard une sympathie profonde. Je les considère gravement, avec tendresse. Mon trouble semble commandé par toute la nature. Je suis seul au monde, et je ne suis pas sûr de n'être pas le roi — peut-être la fée de ces fleurs. Elles me rendent au passage un hommage, s'inclinent sans s'incliner mais me reconnaissent. Elles savent que je suis leur représentant vivant, mobile, agile, vainqueur du vent. Elles sont mon emblème naturel, mais j'ai des racines, par elles, dans ce sol de France nourri des os en poudre des enfants, des adolescents enfilés, massacrés, brûlés par Gilles de Rais. 
Par cette plante épineuse des Cévennes, c'est aux aventures criminelles de Vacher que je participe. Enfin par elle dont je porte le nom le monde végétal m'est familier. Je peux sans pitié considérer toutes les fleurs, elles sont de ma famille. Si par elles je rejoins aux domaines inférieurs — mais c'est aux fougères arborescentes et à leurs marécages, aux algues, que je voudrais descendre — je m'éloigne encore des hommes. »

Assez curieusement, Jean Genet a retenu Gabrielle comme prénom pour sa mère, le deuxième qu'elle portait dans l'état civil. Pourtant, dans son acte de naissance, auquel il fait référence, apparaissent clairement les deux prénoms dans l'ordre : Camille Gabrielle. Ce qu'il ne pouvait pas savoir de façon certaine est que le prénom d'usage était Camille.

Autre résonance dans ce texte, l'allusion à Joseph Vacher. Cet assassin, considéré comme un des premiers tueurs en série français a croisé - si j'ose dire - par deux fois le chemin de la famille de Genet. La première fois est par le théâtre de ses méfaits, de ses « aventures criminelles », celles-là mêmes qui l'ont fait connaître à Jean Genet. Né en Isère, celui qui est passé à la postérité comme le « tueur des bergers » ou le « Jack-l'Éventreur du Sud-Est » a commis un de ses crimes à Bénonces dans l'Ain à quelques kilomètres de Virieu-le-Grand, la patrie des ancêtres de Jean Genet. C'est un juge de Belley qui fera le lien avec Vacher. Il sera condamné à mort par la cour d'assises de l'Ain et exécuté à Bourg-en-Bresse le 31 mars 1898. (notice Wikipédia : cliquez-ici et sur le site www.tueursenserie.org : cliquez-ici)


https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/66/Joseph_Vacher.jpg

L'autre point qui rapproche Joseph Vacher de l'histoire personnelle de la famille de Jean Genet est cette eau-forte qui figure dans une des œuvres érotiques majeures de Martin Van Maele : La Grande Danse Macabre des Vifs, publiée en 4 livraisons (« dixains ») vers 1905. Elle représente Joseph Vacher, après commis un de ses crimes. Rappelons que Martin Van Maele était l'oncle de Jean Genet, par son mariage avec Marie Genet, la demi-sœur de Camille Genet, sa mère.


Cette gravure est dédicacée à Fernand Durozé. Entre l’auteur et le dédicataire, c’est le réseau familial de Camille Genet, la mère de Jean, qui est ainsi matérialisé. L’un est son beau-frère et l’autre le beau-frère de son frère Gabriel. Par son thème et son traitement, cette gravure éclaire d’un jour troublant l’univers qu'a côtoyé Camille au sein de son milieu familial. Entre 1890 et 1895, soit de l’âge de 2 ans à 7 ans, elle a probablement vécu sous le même toit que Martin Van Maele.



Pour finir, et toujours sur les meurtriers qui semblent avoir un moment fasciné Jean Genet, le premier tueur en série identifié comme tel en France n'est pas sans lien, même très indirectement, avec lui. Martin Dumollard, né le 21 avril 1810 à Tramoyes dans l'Ain en France, est mort guillotiné le 8 mars 1862 à Montluel également dans l'Ain. C'est un journalier qui a agressé et assassiné des domestiques lyonnaises (voir : Martin Dumollard). Il y a ce lien, certes tenu, d'une même origine de l'Ain.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire